Les CIPAN : des cultures intermédiaires pour limiter la lixiviation de l'azote

Les cultures intermédiaires piège à nitrates, ou CIPAN, sont des couverts dont l'objectif est de limiter la fuite des nitrates, et donc de l'azote dans la solution du sol. En se développant, elles puisent dans l'azote minéral du sol, ce qui évite sa lixiviation, c'est-à-dire son entraînement en profondeur par l'action de la percolation des eaux. L'implantation d'une CIPAN en automne permet d'éviter les pollutions des eaux de surface et en profondeur. Elle contribue  également à l'amélioration de la structure du sol (incorporation de matière organique et alcalinisation naturelle des sols) et sont, selon les régions, une des conditions pour obtenir des aides publiques.

D'où vient la pollution azotée des eaux ?

Les eaux sont naturellement chargées en nitrates, mais à une concentration bien moindre que ce que l'on observe aujourd'hui dans la plupart des eaux. La pollution est due à la lixiviation de l'azote dans les parcelles agricoles en automne. C'est pendant cette période que les réserves d'eaux souterraines, comme les nappes phréatiques, se rechargent. Dans le même tems, les besoins en eau des plantes sont moins importants. Elle n'est plus absorbée en quantité, tandis que les pluies hivernales tombent. L'eau en excès s'infiltre dans le sol. Le nitrate, ion azoté absorbé de manière préférentielle par les végétaux, est très soluble. Il percole dans la solution du sol et est lixivié.

conditions pluvieuses - nitrates dans l'eau

Les programmes d'action pour limiter les pollutions azotées ont fleuri dans les pays à l'aube des années 2000. En Europe, par exemple, c'est la directive nitrates qui légifère à ce propos et impose de définir des zones vulnérables, d'établir des programmes d'action obligatoires, de suivre l'efficacité des programmes et les concentrations de nitrates dans les eaux, d'établir un code de bonnes pratiques agricoles, de former et d'informer les agriculteurs.

Qu'est-ce qu'une CIPAN ?

Une CIPAN est un végétal implanté dans une parcelle en automne, entre deux cultures principales. Elle peut donc être qualifiée d'interculture. Son objectif principal est de fixer l'azote grâce à l'absorption racinaire.
En dehors de son action sur les nitrates, un couvert végétal de ce type peut dégager d'autres avantages pour l'agriculture : 

  • Il peut être utilisé comme engrais vert. Une fois détruit, il relargue de l'azote organique. Ce dernier peut servir au développement de la culture qui suit. Le couvert permet de diminuer l'apport d'azote sur les cultures.
  • Le couvert intermédiaire permet l'amélioration de la structure du sol : il protège tout d'abord de la battance et permet de lutter contre l'érosion des sols. Il enrichit également le sol en matière organique.
  • Il améliore la biodiversité en termes de micro-organismes, grâce à l'introduction de matière organique, mais aussi en termes de macro-faune en favorisant les zones de refuge et de nourrissage.
  • Il améliore la protection des cultures. Il interrompt les cycles des ravageurs et réduit la pression des adventices. Il permet de lutter contre les mauvaises herbes.
  • Il apporte un fourrage supplémentaire sans concurrence, ni augmentation de surface dans le cas d'une culture dérobée. 
  • Il peut également servir comme Culture Intermédiaire à Vocation Energétique (CIVE) et alimenter un méthaniseur.

"On parle plus communément de limiter le lessivage des nitrates, même si le terme exact correspond plutôt à lixiviation des nitrates. Dans tous les cas, il s'agit de capter l'azote dans les cultures."

Un couvert seul ou en mélange ?

Généralement, les espèces dans un couvert en CIPAN font partie d'une des familles de végétaux suivants : graminée, crucifère, légumineuse, hydraphyllacée. 
Le choix de la couverture des sols se fait en fonction de critères liés à l'exploitation et liés aux caractéristiques agronomiques.

légumineuses pour la minéralisation de l'azote dans un mélange de cultures de couverts
de gauche à droite : lupin, vesce, haricot, pois, lentille, sainfoin

Entre en ligne de compte : 

  • Les conditions pédo-climatiques de la région.
  • La période et la durée de l'interculture.
  • La finalité du couvert.
  • L'organisation du travail et le mode de gestion de l'exploitant agricole (conventionnel, non labour, agriculture biologique, conservation des sols,...).
  • La maîtrise du salissement des parcelles et de la pression adventice.
  • Les techniques et la date de semis de CIPAN, ainsi que la durée du cycle et les techniques de destruction dudit couvert (opportunité climatique comme le gel, capacité du sol à dégrader le couvert,...).
  • Les autres cultures présentes dans la rotation.
  • Les matériels présents sur l'exploitation (broyeur, rouleau, déchaumeurs, semoirs divers,...)


Les espèces peuvent être implantées seules ou en mélange. Un mélange permet de profiter des atouts de plusieurs espèces. Les légumineuses pures sont parfois déconseillées. En pratique, on les préfère souvent dans les mélanges. Elles fixent moins bien l'azote du sol, car elles absorbent l'azote atmosphérique, mais ont une action plus conséquente en termes d'engrais vert. En Europe, des surfaces dit d'Intérêt Ecologique (SIE) ont été prévues dans la réglementation. Elles ont pour objectif d'apporter des services environnementaux supplémentaires. Elles obligent à l'implantation d'au moins 2 espèces de familles botaniques différentes sur une période d'emblavement de 3 mois et la non-utilisation de produits phytopharmaceutiques. 

Des exemples de couverts en fonction des objectifs

L'implantation de couvert CIPAN à forte biomasse peut se faire en utilisant des mélanges avec deux espèces comme la moutarde et l'avoine, voire une phacélie. Elles sont compatibles avec des conditions pédo-climatiques assez diverses. Si le reliquat d'azote est important et pour réduire les pertes de cet ion, il est possible de miser sur des espèces qui s'installent plus rapidement, comme les crucifères. Sinon les graminées, à cycle plus court, font l'affaire.
L'ajout d'une légumineuse dans les CIPAN peut être intéressante dans le cas des engrais verts. Les mélanges ressemblent à : avoine, vesce et pois ou phacélie et trèfle.
Si l'exploitant agricole attend un effet structurant sur le sol, il vaut mieux miser sur les mélanges d'espèces qui détiennent des racines différentes, en incluant un radis associé à une phacélie et un tournesol ou une vesce par exemple.  
Pour la production de dérobées pour l'affouragement des animaux, misez sur les espèces à valeur nutritionnelle élevée comme les avoines plus des  légumineuses ou encore le ray-grass ou le trèfle.

CIPAN - Les cultures intermédiaires sont des couverts

Quand implanter un couvert en tant que CIPAN ?

Le développement du couvert en CIPAN se fait en interculture d'automne. Le semis doit se faire le plus tôt possible pour profiter au mieux des températures encore clémentes et obtenir une biomasse conséquente, la plus à même de fixer l'azote. Attention cependant à éviter les montées à graines si l'introduction a été est réalisée trop tôt (exemple : moutarde). Les semis les plus précoces sont pertinents pour les espèces les plus exigeantes en termes de lumière et de chaleur. Semer à partir de mi-août permet de réaliser avant quelques travaux du sol pour un meilleur contact sol / graine.

En pratique, vous pouvez semer le couvert : 

  • Précocement, tout de suite après la moisson de la culture précédente, jusqu'à mi-août. Les semis très précoces sont possibles pour : moha, sarrrasin, trèfle, lentille, pois, vesce, seigle, navette, féverole, sorgho
  • De façon intermédiaire entre mi-aout et fin août : colza, radis, phacélie, avoine, ray-grass.
  • Tardivement à partir de fin août et jusqu'à mi-septembre : moutarde.


Attention aux problèmes de rémanences des produits phytosanitaires dans le cas de la levée du couvert pour certaines espèces (exemple des sulfonylurées sur les crucifères ou les légumineuses).

"Règlementairement, il existe des dates d'implantation obligatoires dans certaines régions. Elles peuvent aussi dépendre d'un délai après récolte"

Comment implanter une CIPAN : les possibilités de semis

Les techniques d'implantation dépendent des espèces choisies. Certaines cultures sont ainsi plus exigeantes que d'autres. Cela entraîne forcément des techniques de semis et l'utilisation de machines différentes.
Les cultures à faibles exigences comme l'avoine ou la moutarde peuvent se contenter d'un semis à la volée. Celles avec des exigences moyennes, telles que la vesce ou le seigle, peuvent être semées avec un semoir sur déchaumeur. Par contre, d'autres espèces doivent être semées en ligne classiquement ou en semis direct.


Pour un mélange de couverts avec des espèces à taille de graines différentes, il est possible de semer en deux temps. Une moutarde sera ainsi semée à la volée, tandis que la féverole, qui détient des grosses graines et a des besoins plus importants sera semée en ligne.

Comment détruire les CIPAN ?

La facilité de destruction des CIPAN est fonction de leur sensibilité aux techniques, mais aussi des outils à disposition sur l'exploitation : 

  • La destruction de certaines espèces peut être facile grâce au gel, si elles sont très sensibles, comme la vesce qui gèle à 0°C. Un broyage est parfois pertinent si la biomasse est très importante. Il permet une décomposition plus rapide des végétaux.
  • Le broyage des couverts est possible et parfois suivi d'un déchaumage ou d'un enfouissement avant le semis. Le rouleau hacheur peut avoir le même effet. Les repousses de graminées sont courantes. Cette technique est donc moins intéressante pour cette famille de végétaux.
  • Déchaumer permet à la fois de détruire le couvert et de travailler le sol superficiellement pour l'implantation de la culture suivante, voire pour le faux-semis et la lutte contre les adventices.
  • Le labour. Attention à retirer les rasettes pour ne pas enfouir les résidus en fond de raie. Le broyage reste très pertinent en cas de forte biomasse pour une décomposition plus rapide.
  • La destruction chimique est très courante également (exemple : glyphosate + 2,4D).

"Attention, la destruction de la CIPAN s'opère aussi dans un cadre réglementaire local qu'il convient de connaître"

frost destroying nitrate fixing intermediate crops
Photo du broyeur polyvalent BP 8300 KUHN au travail
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cover crop destroyed mechanically with a plough
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Quelles autres mesures sur l'exploitation pour éviter les pollutions des eaux aux nitrates ?

L'implantation de CIPAN permet d'éviter des pollutions par les nitrates. D'autres mesures sont possibles sur l'exploitation et notamment des mesures préventives, telles que : 
 

  • Le bon dimensionnement de ses capacités de stockage des engrais de ferme.
  • L'apport de la fertilisation aux moments clé du cycle des végétaux, en les fractionnant. 
  • Profiter des conseils avisés des instituts techniques et chambres consulaires agricoles locales.

Sources : https://www.arvalis.fr/infos-techniques/les-couverts-vegetaux-contribuent-limiter-lacidification-du-sol  guide_couvert_vegetaux_janv_2017.pdf (pointaccueilbio-hdf.fr) Lutter contre la pollution causée par les nitrates agricoles | EUR-Lex (europa.eu) 

 

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